Les banques à la manœuvre pour contourner les contraintes en capital
Les banques européennes comme Santander, BBVA, Commerzbank ou Lloyds mettent actuellement en place des stratégies de contournement des décisions du sommet européen du 27 octobre dernier les obligeant à accroître leur niveau de capital.Selon l’accord, le capital des banques devra être égal à au moins 9 % du total de leurs activités au plus tard en juin 2012. Une façon pour les pays européens de forcer les banques à devenir plus solides et rassurer sur leur capacité à traverser la crise. En cas de problème, les déposants peuvent fuir, les autres banques et les investisseurs arrêter de prêter et le capital est alors la seule ressource qui permette de faire face aux difficultés. Les régulateurs ont donc souhaité que le ratio de capital sur actif grimpe en faisant monter le numérateur.
Les banques n’aiment pas ça. Car augmenter leur capital, cela veut dire qu’elles doivent utiliser leurs profits pour se renforcer au lieu de distribuer des dividendes (ce que la Société générale a annoncé), ce qui ne plaît pas aux actionnaires. Ce qui leur plaît encore moins, c’est d’être obligé de remettre au pot ou alors de voir de nouveaux investisseurs arriver avec qui ils devront partager les futurs bénéfices. La banque est aussi incitée à ne pas distribuer trop de bonus afin de conserver ses ressources pour renforcer son capital. Bref, que du bonheur !
Alors plusieurs banques cherchent à se soustraire à ces contraintes en diminuant le dénominateur : puisque le capital doit représenter 9 % de l’activité, si je baisse l’activité, j’ai besoin de moins de capital pour respecter le ratio. Les banques pourraient donc vendre une partie de leurs actifs. Et certaines le font. Mais elles cherchent également à trouver des trucs qui permettent de réduire l’actif sans rien vendre. Et elles ont trouvé.
Pour calculer le ratio de capital, les différentes activités des banques ne sont pas prises en compte à leur valeur faciale mais pondérées selon le niveau de risque qu’elles portent et le niveau de risque est mesuré par des modèles… construits par les banques ! Alors que la crise bat son plein, celles-ci choisissent en ce moment de diminuer le niveau de pondération des risques, ce qui réduit d’autant le montant total de l’actif en face duquel elles doivent mettre du capital et donc le montant total de capital dont elles doivent disposer pour respecter les contraintes réglementaires. L’impact est impressionnant : 2,1 milliards d’euros de gagné chez l’Espagnole BBVA, 4 milliards chez sa consoeur Santander et près de 19 milliards pour la britannique Lloyds, pour les données connues.
La bonne nouvelle est que l’Autorité bancaire européenne a parfaitement vu la manœuvre et devra dire bientôt jusqu’où elle accepte ces pratiques. Ce sera un indicateur de sa crédibilité. En attendant, cela renforce la nécessité mise en avant par le G20 de suivre un indicateur plus fruste mais moins manipulable : le total des actifs, non pondérés, sur le capital « dur » (les actions). Les nouvelles règles voulues par le G20 disent que cela ne doit pas aller au-delà de 33. Ce qui reste peu contraignant. Le régulateur financier canadien demande 20 à ses banques qui, pour se faire bien voir des investisseurs, se mettent plutôt à 18. Est-ce un hasard si le système bancaire canadien a mieux traversé la crise ?