2012-05-08
Que peut faire François Hollande ?
François Hollande ne pourra pas laisser filer les déficits, mais il n'est pas
non plus condamné à poursuivre une politique d'austérité pour autant, s'il
augmente les impôts des plus aisés, explique Guillaume Duval dans sa chronique
sur Radio Nova.
Les Français ont donc élu le 6 mai dernier un nouveau président. Mais
peut-il faire une autre politique que celle de Nicolas Sarkozy compte tenu des
menaces que les spéculateurs font peser sur la dette française ?
Vous avez raison. La crise actuelle limite ses marges de manœuvre. Il ne peut
rien faire et rien dire en particulier qui pourrait laisser penser qu’il
s’apprête à laisser filer les déficits publics. Sinon cela risque de nourrir une
spéculation qui devrait de toute façon s’activer contre la dette française, bien
que les socialistes au pouvoir entre 1997 et 2001 aient été les seuls à réduire
l’endettement du pays depuis vingt ans.
Il devra donc au bout du compte faire la même politique d’austérité
que Nicolas Sarkozy…
Pas nécessairement. Nicolas Sarkozy voulait mettre l’accent sur la baisse des
dépenses publiques, et en particulier des dépenses sociales. François Hollande
veut lui plutôt augmenter les impôts sur les revenus des plus aisés. Il pourrait
arriver ainsi à des résultats analogues en termes de limitation des déficits
publics tout en menant une politique très différente du point de vue des couches
sociales mises à contribution. De plus, en ciblant les plus riches, ceux-ci
devraient surtout puiser dans leur épargne pour payer ces impôts
supplémentaires, ce qui permettrait de limiter le coup de frein à l’activité. Il
y a de la marge en effet de ce côté-là car les Français les plus aisés sont des
champions du monde de l’épargne…
D’accord mais en termes de pouvoir d’achat ou d’emploi il ne pourra
pas faire grand chose…
Ces marges de manœuvres sont limitées, c’est vrai. Il pourra peut-être donner
un petit « coup de pouce » au Smic mais celui-ci restera forcément symbolique.
Avec un déficit du commerce extérieur très important et des marges des
entreprises réduites, il faut être prudent sur ce terrain pour ne pas menacer
l’emploi. Par contre, il faudra revenir sur la hausse de la TVA prévue en
octobre prochain par Nicolas Sarkozy qui devait amputer encore plus le pouvoir
d’achat des Français. Il devra aussi revenir sur les subventions massives aux
heures supplémentaires pour financer plutôt des emplois aidés supplémentaires
tout en mettant un coup d’arrêt à la politique de non remplacement d’un
fonctionnaire sur deux afin de soulager un peu le marché du travail.
Et en Europe, le socialiste François Hollande ne pèsera de toute
façon pas grand-chose face à Angela Merkel et à tous les gouvernements de droite
qui l’appuient…
Ca ce n’est pas sûr du tout. Tout d’abord son élection toute fraîche lui
confère une forte légitimité. De plus le redémarrage de la spéculation contre
les dettes publiques espagnole et italienne marque l’échec
final de la politique impulsée par Angela Merkel depuis trois ans avec le
soutien de Nicolas Sarkozy. La mise en place du FESF puis du Mécanisme européen
de stabilité couronnée par la signature du Traité sur la stabilité, la
coordination et la gouvernance (TSCG) sans oublier les interventions massives de
la BCE… Tout cela n’a pas évité le retour de la spéculation parce que
l’austérité budgétaire excessive et généralisée que prône Angela Merkel plombe
trop l’activité. De nombreux gouvernements (de droite) se rendent bien compte
que la politique voulue par Angela Merkel mène l’Europe dans le mur. Confrontés
au couple Merkozy, ils n’avaient pas osé cependant s’y opposer ouvertement
jusque-là. Mais si François Hollande est décidé à remettre en cause cette
politique suicidaire, ils lui donneront bien volontiers un coup de main…
Guillaume Duval
Article Web - 07 mai 2012